par Sophie Louet
PARIS (Reuters) – Jérôme Lavrilleux, ex-directeur de campagne adjoint de Nicolas Sarkozy en 2012 et bras droit de Jean-François Copé, a reconnu lundi un système de fausses facturations à l’UMP pour masquer une « dérive » des dépenses de la campagne présidentielle, tout en dédouanant l’ancien président et le dirigeant de l’UMP.
Ces révélations interviennent à la veille d’un bureau politique décisif de l’UMP, qui pourrait décider du sort de Jean-François Copé à la tête du parti d’opposition, nettement distancé par le Front national aux européennes de dimanche.
Les dépenses de campagne de Nicolas Sarkozy ayant « explosé » dans une proportion « beaucoup plus importante que le volume autorisé », il a été procédé à « une ventilation des dépenses liées à la campagne sur d’autres opérations » pour un montant de l’ordre de 10 à 11 millions d’euros, a expliqué Jérôme Lavrilleux sur BFM TV.
« Il n’y a eu aucune malversation, il y a eu un engrenage irrésistible d’un train qui file à grande vitesse et les personnes qui auraient dû tirer le signal d’alarme ne l’ont pas fait », a-t-il poursuivi, précisant, sans citer de noms, qu’il n’était pas « le seul dans le wagon ».
Elu député européen dimanche, Jérôme Lavrilleux, les larmes aux yeux, a avoué ne pas avoir « eu le courage » de stopper la campagne malgré des « dérapages ».
« Il eut mieux valu jouer la franchise et présenter des comptes sincères mais non conformes », a-t-il déclaré, déplorant une législation française inadaptée en matière de comptes de campagne. Tous les partis, a-t-il affirmé, « usent d’expédients » pour contourner des règles trop strictes.
« COPÉ N’EST EN RIEN MÊLÉ À CELA »
Jérôme Lavrilleux a déclaré n’avoir informé de ces montages financiers ni Nicolas Sarkozy, ni Jean-François Copé, qui était alors secrétaire général de l’UMP.
Il a également dédouané Pierre Lellouche, dont le nom est associé à une prestation fictive, et Bastien Millot, fondateur de Bygmalion, la société organisatrice de meetings.
« Jean-François Copé n’est en rien mêlé à cela », a-t-il dit.
Nombre de responsables de l’UMP réclament toutefois la mise à l’écart du dirigeant de l’UMP le temps des procédures judiciaires et suggèrent l’instauration d’une autorité collégiale transitoire qui pourrait être supervisée par les anciens Premiers ministres Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin et François Fillon.
Jérôme Lavrilleux, auquel son mandat d’eurodéputé garantirait l’immunité s’il venait à siéger comme prévu à partir de juillet, a dit réserver ses réponses aux interrogations sur la chaîne de responsabilité à l’UMP aux enquêteurs et aux juges.
« Je sais qui ne me l’a pas demandé »[les fausses factures-NDLR], a-t-il simplement déclaré.
Guillaume Lambert, chef de cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, dirigeait la campagne présidentielle de 2012, secondé par Jérôme Lavrilleux, qui veillait à la logistique. Eric Cesari, directeur général des services de l’UMP, veillait également à la gestion de la campagne, notamment.
« J’assume ma responsabilité, (…) j’aurais pu rester planqué chez moi », a dit Jérôme Lavrilleux, une « éminence grise » réputé pour son sang-froid, son efficacité et une loyauté sans faille à l’égard de Jean-François Copé, notamment lors de la guerre de novembre 2012 pour la présidence du parti.
« CHANTAGE ÉCONOMIQUE »
La confession du directeur de cabinet du président de l’UMP, un sacrifice politique en direct, survient après que l’avocat de Bygmalion eut accusé l’UMP de fausses factures en 2012 pour masquer des dépassements de frais de campagne.
La société de communication, a dit Me Patrick Maisonneuve, a été soumise à « un chantage économique » pour établir des fausses factures d’un montant de 11 millions d’euros.
Plusieurs meetings du président sortant avaient été indûment facturés sous l’intitulé « conventions » pour « un montant approximatif de 11 millions » d’euros, comme l’avait révélé Libération.
Les factures étaient « imputées à l’UMP, alors qu’elles auraient dû l’être à l’association de financement de la campagne du candidat, M. Sarkozy, en 2012″ pour « éviter des dépassements probablement de comptes de campagne ». « Soit Bygmalion acceptait cet habillage, soit Bygmalion n’était pas payée », a-t-il dit.
« On parle de ‘l’affaire Bygmalion’, c’est plutôt l’affaire des comptes de campagne du candidat Sarkozy », a-t-il lâché.
Des perquisitions ont eu lieu lundi à l’UMP et dans les locaux de Bygmalion, notamment, a-t-on appris de source judiciaire.
Le Conseil constitutionnel avait invalidé en juillet 2013 les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy, déjà contestés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), ce qui privait l’UMP du remboursement par l’Etat de quelque dix million d’euros.
Les plafonds des dépenses électorales s’établissaient en 2012 à 16,851 millions d’euros pour le premier tour et à 22,509 millions d’euros pour le second. Le Conseil constitutionnel avait évalué que le montant des dépenses électorales du candidat UMP excédait de 466.118 euros, soit 2,1%, le plafond autorisé.
L’UMP avait alors lancé avec succès une souscription, baptisée le « Sarkothon », pour permettre au parti de rembourser quelque 11 millions d’euros aux banques créancières. Nicolas Sarkozy avait exprimé sa « reconnaissance » aux militants pour leur mobilisation.
(avec Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)
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