PARIS (Reuters) – De nombreux députés socialistes ont exigé lundi d’être mieux écoutés par le gouvernement et demandé un changement de cap lors de leur premier séminaire depuis l’élection de François Hollande, il y a quasiment un an.
Le Premier ministre, frappé comme le président par une forte impopularité, a tenté de mobiliser ses troupes au moment où la contestation de la politique économique du gouvernement gagne du terrain au sein du Parti socialiste.
« Je suis venu donner un message de confiance et d’espoir aux députés », a dit Jean-Marc Ayrault à son arrivée à l’Assemblée nationale. « Nous pouvons réussir à condition que chacun s’y mette, se rassemble et aille à l’essentiel. »
Mais c’est un « certain malaise » qu’ont exprimé les élus lors de la réunion à huis clos, a dit à Reuters Thierry Mandon, porte-parole des 293 députés du groupe PS et apparentés.
« On n’a pas parlé beaucoup sur la ligne mais sur le manque de considération. Un député nous a dit ‘on sert à rien’, un autre : ‘on a l’impression que pour le gouvernement, on est un passage obligé’ », a-t-il ajouté, disant vouloir « trouver un chemin » pour que le groupe ne soit « ni déloyal ni godillot ».
Pour Jérôme Guedj, un des chefs de file de la gauche du PS, « tout le monde en avait gros sur la patate du fonctionnement des choses entre les députés, les ministres, le gouvernement dans son ensemble ».
Ce malaise semble gagner des membres du gouvernement, pour qui la situation politique actuelle ne sera pas tenable jusqu’aux élections municipales de 2014, premier juge de paix électoral du quinquennat.
« UN TEMPS D’ÉCHANGE COLLECTIF »
« Il faut un rebond avant », confie ainsi un ministre, qui recourt à un aphorisme d’une figure de la communication : « La fonction présidentielle, ce sont les trois ‘s’ : secret, silence et solitude. Le président est dans ce moment-là. »
Prié de dire si le rebond qu’il appelle de ses voeux est actuellement l’objet d’une réflexion collective au sommet de l’Etat, le même soupire : « Hélas, non. »
« Si on veut avoir un seul message, martelé par tous, il faut un temps d’échange collectif qui aujourd’hui n’existe pas », ajoute ce membre du gouvernement.
Plusieurs parlementaires demandent des réunions plus fréquentes avec le président pour lui faire part de ce qu’ils entendent sur le terrain.
Malek Boutih, député de l’Essonne, a dénoncé l’importance accordée aux « experts » et aux « technos » dans le gouvernement, et appelé l’exécutif à redonner la parole aux élus.
« L’argument selon lequel il n’y aurait qu’une seule politique possible n’est pas recevable », a-t-il dit dans Le Parisien de lundi. « Nous ne sommes entendus aujourd’hui qu’à travers la lutte contre les déficits. Comme si le discours des experts se suffisait à lui seul. Il faut redonner la parole aux parlementaires. »
Outre le manque de « considération » déploré par de nombreux parlementaires, des dissensions se font jour au sein de la majorité sur la politique du gouvernement.
Pour Jean-Marie Le Guen, député PS de Paris, il y a un « message politique » à faire passer au Premier ministre.
« Ce que l’on attend de l’exécutif, c’est un discours plus fort, qui se projette vers l’avenir, qui assume plus ce que nous sommes », a-t-il dit lundi sur Canal +.
« On a du mal à dire à quel point notre pays est en état de faiblesse. La gauche n’avait pas mesuré à quel point l’outil industriel du pays était dégradé. On n’assume pas complètement cette réalité », a-t-il ajouté.
L’aile gauche du PS demande depuis plusieurs mois déjà une « inversion des priorités » et une politique de relance, mais son discours gagne désormais du terrain dans le parti.
Trente-cinq députés socialistes se sont abstenus lors du vote du texte sur la sécurisation de l’emploi, porté par le gouvernement et contesté par plusieurs syndicats.
La politique économique n’est pas le seul sujet qui divise le parti. Le président de l’Assemblée, Claude Bartolone, s’est en effet illustré ces dernières semaines en menant la fronde contre le projet de publier le patrimoine des parlementaires.
Jean-Marie Le Guen reprend l’analyse du député européen Daniel Cohn-Bendit, qui parle de « paresse de la gauche ».
« Ça fait 20 ou 30 ans qu’il y a une espèce de paresse intellectuelle », a-t-il dit sur Canal +. « La dénonciation du libéralisme sert absolument à toute analyse, c’est un petit peu léger ».
Mi-avril, le Conseil national du Parti socialiste s’est déjà tenu dans un contexte houleux pour la majorité, avec l’irruption d’une cinquantaine de salariés de PSA applaudis par la gauche du PS. (voir ) Mais Jean-Marc Ayrault avait exclu tout changement de cap économique et budgétaire.
Chine Labbé et Emile Picy, avec Emmanuel Jarry et Patrick Vignal, édité par Yves Clarisse
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