Ça se confirme : David Cameron change de cap et de braquet. Dans le traditionnel discours du trône, prononcé par le souverain mais préparé par le Cabinet du Premier ministre, Elizabeth II a affiché la volonté du gouvernement conservateur de mieux contrôler l’immigration : limitation de l’accès aux soins et aux prestations sociales des immigrés bénéficiant de titres de séjour de courte durée, facilitation de l’expulsion des délinquants étrangers, implication des propriétaires qui devront s’assurer de la régularité du séjour en Grande-Bretagne de leurs locataires étrangers… Voilà de quoi répondre aux attentes des électeurs UKIP (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni).
Après deux ans de mandat et une politique libérale-conservatrice aussi prévisible qu’infructueuse, Cameron opère exactement le même tournant que Sarkozy en 2009 lorsque celui-ci lança le débat sur l’identité nationale.
Le parallèle franco-britannique ne s’arrête pas là : des statistiques rendues publiques et commentées par le Daily Mail montrent que les Britanniques blancs quittent massivement les zones où ils sont devenus minoritaires. Depuis 2001, plus de 600.000 Blancs ont quitté Londres : alors que 58 % des Londoniens étaient blancs en 2001, ils ne sont plus que 45 % en 2011. En France, le géographe Christophe Guilluy décrit un phénomène identique : les anciens quartiers populaires des grandes villes et leurs proches banlieues se vident de leurs populations blanches, qui préfèrent la relative quiétude des zones rurales ou péri-urbaines.
Les conséquences politiques de ces mouvements sont particulièrement sensibles : métropoles et banlieues immigrées sont devenus des fiefs inexpugnables de la gauche, où la droite parlementaire et le FN sont en chute libre. À l’élection présidentielle de 2012, Paris a majoritairement voté en faveur du candidat de gauche pour la première fois de l’histoire de la Ve République. Alors que la droite avait gagné la totalité des vingt arrondissements parisiens aux élections municipales de 1989, l’est parisien est désormais ingagnable pour elle, la gauche y obtenant régulièrement près de 70 % des voix.
Cette fuite des Blancs (« White Flight ») s’accélère particulièrement dans les zones où ils sont progressivement devenus minoritaires, dans les zones où les us et coutumes n’ont plus rien de britannique ou d’européen. Dans ces quartiers où un ordre politique et social parallèle s’est substitué à l’État de droit et la culture nationale.
Face à cela, les élites mondialisées proposent une analyse et une réponse erronées : à leurs yeux, c’est l’économie et elle seule qui mène le monde ; le retour de la croissance et la baisse du chômage entraîneront mécaniquement un reflux des tensions identitaires. Elles plaquent sur l’Europe du XXIe siècle leur diagnostic (déjà simpliste et parcellaire) de la« montée des périls » dans les années 1930, exclusivement due selon elles à la crise économique de l’époque. En oubliant les bouleversements migratoires et démographiques considérables intervenus en Europe depuis la deuxième moitié du XXe siècle et leurs conséquences en matière de cohésion et d’identité nationales.
Les post-nationaux refusent de voir le monde tel qu’il est : avant d’être un homo œconomicus, un facteur de production ou un consommateur, l’homme est d’abord un animal politique et social, membre d’une communauté et attaché à sa culture spécifique. La coexistence entre groupes, quels qu’ils soient, est systématiquement le fruit d’un rapport de force. Dès lors que des communautés sont façonnées par des valeurs et des cultures trop éloignées, elles ne peuvent pas cohabiter pacifiquement de manière durable : les sociétés européennes désormais multiculturelles sont devenues multiconflictuelles. En niant les frontières pour instaurer, disaient-ils, la paix universelle, en voulant construire de toutes pièces un« citoyen du monde » (superbe oxymore, soit dit en passant) déraciné, les mondialistes sont devenus les docteurs Frankenstein de la guerre de tous contre tous.
Etienne Lahyre, le 10 mai 2013
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